Puisque que j'ai acheté le coffret DVD, autant revoir la série malgré (comme je le souligne ailleurs) un transfert déplorable ayant des allures de vieille VHS. Il faut avouer que cette série a une "importance sentimentale" pour moi dans la mesure où je l'ai découverte (sur une chaîne Allemande) juste au moment où, après des lectures un peu éparpillées ("Le chien des Baskerville" par-là, "La vallée de la peur" par ici), je lisais l'intégrale du canon pour la première fois. Et je retrouvais, chaque jeudi en début de soirée, Geoffrey Whitehead (Holmes), Donald Pickering (Watson) et Patrick Newell(Lestrade). Quarante ans plus tard, "que reste-il de nos amours " ?
A l'époque, je l'avoue, j'ignorais totalement qu'il s'agissait d'un remake de la série de 1954, déjà produite par Sheldon Reynolds, avec Ronald Howard, H. Marion Crawford et Archie Duncan. Or, depuis, j'ai vu et revu cette première mouture en noir et blanc, qui fleure bon le studio, possède un charme certain et m'amuse toujours autant à chaque visionnage. La comparaison est donc devenue inévitable !
Et globalement, la première version l'emporte ! Pour diverses raisons: d'abord, le côté un peu "cheap" des décors (la série est tournée en France, au studios d'Epinay et, en dehors de quelques vues de Londres, les extérieurs sentent agréablement le "faux"). Cet aspect théâtral du décor, ainsi que l'humour, font oublier que les épisodes sont finalement assez statiques voire bavards. Dans la version de 79-80 (tournée, cette fois, en Pologne),les décors (particulièrement les décors extérieurs) sont nettement plus impressionnants, dignes en tout point de certaines productions cinématographiques... et, du coup, leur aspect luxueux et réaliste fait ressortir les trop nombreuses scènes d'intérieur, purement dialoguées (on voudrait voir davantage cette superbe reconstitution de Londres et le fait de passer trop souvent d'un intérieur à un autre -même s'ils sont superbes aussi- s'avère un peu frustrant et crée un décalage entre réalisme et théâtralité là où la première série semblait plus homogène à ce niveau).
Ensuite: l'approche des personnages. Physiquement, Whithehead et Pickering (excellents tous les deux !) ont manifestement été choisis (en plus de leur talent) pour une ressemblance nettement plus marquée avec les descriptions d'ACD et les illustrations de Paget là où (même s'ils étaient excellents aussi !) , Howard et Crawford présentaient, physiquement, un aspect un peu plus caricatural issu des films... mais qui collait parfaitement avec l'esprit souvent humoristique de la série. Ici, comme pour les décors, l'aspect plus "réaliste" de Holmes et Watson tranche un peu avec ce parti-pris humoristique et, parfois, lui nuit. Ceci dit, j'adore leur jeu "tongue in the cheek" dans les séquences drôles, particulièrement celui de Pickering ! Autant Crawford jouait, avec génie, un Watson explosif, nerveux, la tête près du bonnet, autant Pickering campe un Watson calme et posé qui, face aux excentricités de son colocataire, va se contenter de lever un sourcil et de lancer, d'une voix toujours courtoise, une courte phrase "so British" du genre: "Ah ? Vraiment, Holmes ?" (là où Crawford aurait piqué une colère). Bref, son approche est drôle dans un style différent mais, si cela fonctionne bien la plupart du temps, il faut admettre que, lors d'épisodes plus "WTF" (sorry pour l'expression à la mode) comme "The Baker Street Nursemaid", c'est moins efficace (personne n'égalera Crawford lorsqu'il chante "Rule Britannia" en guise de berceuse) ! Whitehead, lui, reste dans la lignée de Ronald Howard (un Sherlock Holmes encore jeune -l'acteur a quarante ans à l'époque- comme l'a toujours souhaité Sheldon Reynolds) mais le joue moins "lunaire" ( Ronald Howard a toujours l'air d'être dans "son univers", coupé du monde en dehors des enquêtes) et un peu moins flegmatique. Il possède aussi, malgré sa jeunesse un physique plus anguleux, moins lisse que Howard. Son interprétation est également vraiment bonne mais, encore une fois, il y a un décalage dans les épisodes plus "WTF" (again !) comme "The Case of Harry Crocker". Autant Howard, vu son approche, arrive a rendre crédible la fascination enfantine de Holmes pour la prestidigitation et les numéros d'évasions à la Houdini, autant cela semble moins naturel chez Whitehead. Reste Lestrade (puisque, dans ces deux séries presque jumelles, le duo devient un trio). Patrick Newell est un comédien que j'adore mais, dans ce cas, force est de constater qu'il ne parvient à aucun moment à faire oublier la prestation d'Archie Duncan ! Il campe un Lestrade "toujours en retard d'une guerre" mais n'a pas ces aspects à la fois "faux cul", tantôt mielleux, tantôt colérique , tantôt "pas si bête qu'il n'en a l'air" que Duncan fait si bien ressortir ! Il offre une prestation honnête, point barre. En ce qui concerne les rôles secondaires (souvent joués par les mêmes comédiens dans des rôles différents- toujours la théâtralité- au sein la série de 1954) ils sont tout à fait corrects ! Mais 1) il y a moins de guest stars (Paulette Goddard en 54, tout de même !) 2) Malgré leur talent, ils n'ont pas l'abattage, par exemple, d'un Eugène Deckers (apparu dans nombre d'épisodes de 54 et dans des registres chaque fois différents) ! Pour en revenir à "The Case of Harry Crocker", Deckers (comédien d'origine belge, cocorico !) enterre large et profond son successeur dans le rôle titre !
La réalisation: Là, pas de problème, on est dans le haut du panier ! Sauf que...
Reynolds (en dehors de certains épisodes qu'il réalise -très honorablement- lui-même, a fait appel au ban et l'arrière ban des réalisateurs de la Hammer, rien de moins) ! On retrouve donc au générique des noms tels que Peter Sasdy, Freddie Francis ou Roy Ward Baker (scusez du peu !)... Mais, en dehors de Francis (plus réputé en tant que directeur photo que comme réalisateur: "Elephant Man"pour ne citer que celui-là) dont les épisodes sont immédiatement repérables par des contrastes plus marqués, des éclairages plus travaillés, les autres font un boulot honnête, bien foutu, mais dans lequel on ne reconnait pas leur patte ( même si j'imagine bien que, pour 24 épisodes tournés en un an, Reynolds les a plutôt choisis pour leur réputation d'efficacité- et leur nom- que pour que chacun y mette "sa propre vision de cinéaste"). Il n'empêche que le taf est pro et que je m'amuse à voir, ici ou là, comment ces réalisateurs ont pris du plaisir , dans pas mal de plans, en jouant sur les angles et les ombres, à souligner une ressemblance (pas évidente au départ) entre Whitehead et Christopher Lee.
En bref, même si, en ce qui me concerne, l'ombre de la version de 54 plane dorénavant un peu trop sur celle-ci, il s'agit d'une très bonne série ! A voir, si possible, en ne connaissant pas l'originale afin d'en apprécier les qualités propres. :-)
Et la version fifties.
Pour la VF de 54, c'est un boxon total ! Watson a au moins deux voix (et je n'ai reconnu que celle de Fernand Fabre) et Holmes bien davantage: Lucien Bryonne (la première), Dominique Tirmont (la plus fréquente), Roger Rudel, Michel André (la seconde plus fréquente et, à mon avis, celle qui colle le mieux) et Roland Ménard ! Cinq comédiens pour 39 épisodes ! Et on ne peut pas parler d'indisponibilité (genre engagement au théâtre) puisque, par exemple, dans certains épisodes où Ronald Howard est doublé par un autre comédien, Bryonne ou Rudel voire André doublent des personnages secondaires !😳
Ps: je n'ai donc , de tout temps, vu cette série qu'en allemand et en anglais, jamais en VF ! Lorsqu'elle est passé en français sur la 5, nous ne captions plus la 5 en Belgique ! Pour mon futur dossier quant aux voix françaises de Holmes et Watson, si un voxophile holmésien l'a vue et a reconnu les comédiens francophones, je suis preneur vu que c'est introuvable sur le net. :-)
Si vous avez un avis sur cette série (ou sur ces deux séries), je suis curieux de le connaitre ! :-)