Le film Enola Holmes 2, réalisé par Harry Bradbeer, est diffusé par Netflix depuis le 4 novembre 2022. Il s'agit de la suite d'Enola Holmes (2020), adaptation de la série littéraire "Les Enquêtes d'Enola Holmes" de la romancière américaine Nancy Springer. Il met en scène Enola Holmes, la jeune sœur de Sherlock Holmes.
"The game's afoot" pour Enola (Millie Bobby Brown), désormais détective privée officielle, lorsqu'une jeune fille travaillant dans une fabrique d'allumettes l'engage pour retrouver sa sœur disparue. En peu de temps, Enola se trouve entraînée dans une course-poursuite à travers Londres, passant des bas-fonds aux salons fastueux de la haute société, affrontant une dangereuse conspiration. Elle peut compter sur l'aide de ses amis, mais également de son frère (Henry Cavill) que l'on voit plus souvent dans ce deuxième épisode.
Ce que les holmésiens en pensent...
L'avis de notre ami "221B" (pseudo Discord SSHF pour les intimes du club...)
Enola Holmes 2 est l’adaptation de la saga littéraire éponyme écrite par Nancy Springer depuis 2006.
Analyse rapide du film
Enola Holmes 2 est un film « Young adult » (public de 12 à 18 ans). Tout est mis en place pour donner un effet dynamique : ralentis, retours en arrière et quatrième mur brisé. On aime ou on n’aime pas, cela ne m’a pas trop gêné et j’ai trouvé que le film n’en abuse pas forcément (contrairement au premier film).
J’ai par ailleurs beaucoup apprécié les réflexions d’Enola Holmes prenant forme de croquis coloré, une fois de plus pas trop utilisé, tout comme les gravures du XIXe s’animant.
En ce qui concerne le casting du film, je l’ai trouvé bon : Milly Bobbie Brown est très convaincante en petite sœur survoltée, détective douée mais qui a encore beaucoip à apprendre. Elle contraste (ou complète) très bien le Sherlock Holmes d’Henry Cavill, qui lui est plus expérimenté. Helena Bonham Carter apparait très peu mais donne de l’envergure à la matriarche de la famille Holmes qui a tout appris à ses enfants. David Thewlis est l’antagoniste de cette aventure, il fait très bien le travail mais j’ai pu le voir plus « inquiétant » dans des rôles de « méchant » (saison 3 de Fargo ou saison 1 de Sandman)
Certains choix de réalisation m’ont fait sortir du film comme la scène de combat de Jujitsu dans la forêt accompagné du cantique « Alléluia », voulant donner un effet comique largement évitable. Le cri de David Thewlis concluant cette séquence n’a eu pour seul effet de me le rendre moins crédible. J’ai mis quelques temps à le prendre à nouveau au sérieux.
L’intrigue
Enola Holmes a fondé son agence de détective mais ne fait pas le poids face à son frère. Alors que ses espoirs semblent perdus, une jeune fille travaillant dans une fabrique d’allumettes lui demande de retrouver son amie Sarah Chapman. Parallèlement, Sherlock Holmes enquête sur des détournements d’argent dans des banques londoniennes. Rien de bien mystérieux, comme savait le faire Conan Doyle, mais cela permet de poser le décor.
Paradoxalement, une partie de l’intrigue est pour moi le point faible de ce film. Est-ce parce que je ne suis pas la cible visée par le film ? En tout cas je ne me suis fait surprendre par aucun « climax » du film. Où est Sarah Chapman ? Qui est celui qui la recherche ? Le mobile de sa disparition ou encore l’identité de Moriarty ne m’ont pas surpris. Ce qui est le comble pour un film d’enquête.
Steven Spielberg dit que ce qui compte dans un film est le voyage et non la fin. C’est là que le film se rattrape, les énigmes, le clin d’œil historique s’articulent très bien à l’histoire racontée.
L’ambiance du film
Les spectateurs ont l’occasion de visiter plusieurs lieux différents du Londres victorien. Il est très bien reconstitué : les décors, les costumes ou l’ambiance des rues. A ceci près que j’ai eu l'impression que tout était « trop propre » brisant parfois le côté authentique d’un personnage ou d’un lieu.
L’ambiance du cabaret est bien reconstituée. Mention spéciale pour la réception mondaine dans le manoir de la famille Lyon. La manière d’amener les règles très codifiées de la grande bourgeoisie victorienne (le chaperon ou le langage des éventails) montre ce que pouvait être cette époque.
Enfin, le cas des allumettes à phosphore dans le contexte des premières grèves féminines menées par Sarah Chapman donne une épaisseur à un film destiné au jeune public.
La réalisation a fait le choix de montrer les difficultés de la condition féminine sous l’ère victorien, bien que certaines femmes s’accommodent très bien de cette situation, c’est une réussite mais je regrette que le film n’ait choisi que cet angle aux détriments d’autres s’imposant pourtant d’eux-mêmes dans cette aventure. Le film ne montre pas les difficultés de faire partie d’une minorité ethnique au XIXe siècle alors même que des personnages comme Lestrade et Moriarty en font partie. C’est dommage de masquer ces réalités au jeune public. Peut-être que cela sera évoqué dans les films à venir.
Le film au regard du Canon
Ce film doit-il être vu comme un film de l’univers Sherlock Holmes ou juste comme une adaptation des romans d’Enola Holmes ? Si on en croit les sites spécialisés, Enola Holmes 2 est une libre adaptation des histoires de Nancy Springer. J’ai donc pris la décision de l’analyser au regard du Canon car ces romans/films prennent comme contexte l’univers de Sherlock Holmes.
Au premier abord, ce long-métrage pourrait apporter beaucoup d’éléments au Canon holmésien, une petite sœur que Sherlock Holmes protégerait, montrant de la compassion à ses côtés contrairement aux autres personnes. Un personnage solitaire dont la jeune sœur force le destin en organisant la rencontre avec son ami le docteur John Watson.
La reconstitution du 221B me semble tout à fait correct.
J’ai trouvé Henry Cavill plus convaincant en Sherlock Holmes, parfait gentleman britannique, démontrant sa supériorité intellectuelle, même face à sa sœur. Il décrypte les énigmes et les situations beaucoup plus rapidement qu’elle. Cependant, le film n’offre aucun moment de grande déduction comme dans le Canon. C’est pourtant largement réalisable comme l’ont démontré les dernières adaptations modernes (les films de Guy Ritchie, la série BBC ou même le film avec Sir Ian McKellen).
Le docteur John Watson fait une courte apparition et beaucoup regretteront surement l’absence de la scène de déduction d’Une étude en rouge, marquant le début de leur amitié.
L’adaptation de Moriarty est peut-être ma plus grande déception du film. Conan Doyle n’en parle que quatre fois dans les romans et nouvelles (Le Problème final, la Vallée de la Peur, La Maison vide ou encore Charles Auguste Milverton). Je ne suis donc pas contre les libres adaptations du personnage. Ici, Moriarty est une femme noire, voulant se venger de la discrimination qu’elle vit en tant que femme, en dirigeant une bande criminelle. C’est un angle intéressant en réalité et qui aurait pu coller au caractère de l’ennemi (quasi) mortel de Sherlock Holmes. Opérer dans l’ombre, organiser tout un réseau criminel caché et puissant, pratique qui plus est facilitée parce qu'elle appartient aux « invisibles » de la société victorienne. Dans le film, elle décide de provoquer le détective et sa sœur et révèle son identité car elle « trouve ça drôle ». En fait ce qui me dérange, c’est le fait d’être face un « méchant psychopathe » stéréotypé du cinéma et de la télévision. C’est ce qui me dérangeait déjà avec le Moriarty de la BBC (malgré le talent d’Andrew Scott). Le film aurait pu faire le choix de révéler son identité autrement : par exemple une scène où Sherlock Holmes comprend qu’elle manigancé tout depuis le début mais qu’il n'a pas de preuve pour la faire arrêter. Le générique de fin nous apprend qu’elle s’est enfuie et qu’elle est activement recherchée.
Autre point faible du film au regard du Canon, la chronologie semble bancale. Le président de la SSHF Thierry Saint-Joanis avait déjà soulevé ce problème pour le premier volet. Le second ne semble pas avoir réglé ce problème. Les journaux montrent que l’action se déroule en 1885. Historiquement la grève menée par Sarah Chapman se déroule en 1888. Si on en croit Jean-Pierre Crauser et ses recherches publiés dans « Quel jour sommes-nous docteur Watson ? », la rencontre en Holmes et le docteur a lieu en 1881. L’équipe du film n’a donc pas fait attention à la cohérence chronologique canonique ou tout simplement historique à l’égard de la grève de Sarah Chapman.
En conclusion
J’ai pris le film comme il l’était : un film pour adolescents ou jeunes adultes et j'ai passé un bon moment. Le film oscille entre du bon (ex : la scène de la réception) et du moins bon (ex : La chronologie, un angle assumé mais qui en oublie d’autres qui seraient très intéressants). Cela reste une porte d’entrée sympathique pour un jeune public dans l’univers de Sherlock Holmes et c’est déjà une très bonne choses.
Et vous, qu'en pensez-vous ? Envoyez votre avis sur Enola 2 par courriel à ssshf@sshf.com.
Même ressenti que sur le premier volet , reconstitution splendide et très chouette casting - mais vouloir à tout prix ancrer le propos dans une réalité sociale historique ( suffragettes et women's lib ) me gonfle intensément ...
La Version Anglaise de la bande annonce https://www.youtube.com/watch?v=KKXNmYoPkx0