Le 11 novembre dernier, notre ami Stephen Almaseanu nous a quittés. Il est décédé brutalement à 55 ans. Stephen était l'un des holmésiens français les plus érudits. Membre de la Société Sherlock Holmes de France, de la Sherlock Holmes Society of London et de la Oscar Wilde Society, il était devenu une encyclopédie des textes d'holmésologie par la lecture de tout ce que la communauté a publié depuis ses origines. Encyclopédie, c'est d'ailleurs son projet de toujours. Une encyclopédie en français rassemblant toutes les entrées possibles sur le sujet. On y trouve les thèmes, les mots et noms cités dans le Canon, les holmésiens, leurs écrits, les auteurs de pastiche, les pastiches, les adaptations pour tous les supports. Sans oublier ce que l'on nomme avec tendresse les sherlockonneries, ces objets du culte que nous aimons ou qui nous amusent, comme les jouets et les figurines dont il faisait une collection qui restera longtemps comme l'une des plus complètes au monde. Bref, il s'agit d'un travail colossal, entrepris dès le siècle dernier, en solitaire, puis ouvert à ses camarades de la SSHF qui, laborieusement, ont enrichi le manuscrit. Il dépasse aujourd'hui le millier de pages, et l'ouvrage est bien loin d'être achevé. L'activité holmésienne est un passe-temps chronophage. Il faut avoir du temps et Stephen en a toujours manqué. Je ne l'ai jamais vu prendre de vacances ni de jours fériés. Même ses nuits étaient occupées. Sa priorité resta la Justice. Magistrat aux qualités et compétences reconnues unanimement par sa profession, chercheur et enseignant, je laisse les spécialistes en parler. Moi, je n'ai connu que le Stephen du temps libre, celui des activités holmésiennes, celui qui renseignait les sections de son encyclopédie, celui qui lisait chaque mois les publications holmésiennes anglo-saxonnes, celui qui m'apportait information et conseil dans la préparation et la tenue des activités de la SSHF. Il aurait dû être notre secrétaire depuis longtemps, mais, faute de temps libre pour le bien faire, il repoussait la date de sa prise de fonction. Il était notre secrétaire-adjoint en attendant la retraite. Je ne sais pas s'il était sérieux en évoquant cette période de sa vie. Dans l'éventualité, ma décision était prise depuis plusieurs années : lui céder la présidence de notre association le jour où il serait disponible. Il me fallait encore tenir une décennie puisqu'il n'avait que 55 ans cette année.
Sentait-il que le temps est précieux et qu'il ne faut jamais remettre au lendemain ce que l'on peut faire maintenant ? En janvier dernier, il m'avait annoncé sa volonté de consacrer plus de temps à l'activité holmésienne. Et pour commencer, il fallait qu'on termine l'encyclopédie. Nous avions élaboré un plan de travail, nous répartissant les sujets pour améliorer la productivité. Le phénomène engendré par le personnage de Sherlock Holmes est en constante évolution. C'est une chance que d'autres jalousent. Mais elle impose toujours plus de mises à jour des données. Chaque mois, chaque semaine, chaque jour, des nouveautés apparaissent, eEt elles ont une place dans une encyclopédie holmésienne. Le travail n'a pas de fin et c'est là la plus grande difficulté pour l'accomplir. Quand pouvons-nous poser le crayon, le dernier mot écrit, et envoyer le manuscrit à l'imprimeur ? Personne n'avait cette réponse. Mais souvent, ce qui nous apporte le plus de plaisir et de satisfaction, c'est le chemin que l'on parcourt, et non l'arrivée à destination, symbole de la fin d'une aventure. Qui a envie que cela s'arrête ? Ni Stephen ni moi. Et qui peut nous imposer d'écrire le point final ? C'est ce que nous pensions, convaincus qu'à l'image de notre héros, nous sommes immortels.
La retraite s'est imposée à Stephen par surprise, ce 11 novembre 2024. Elle devait le libérer pour qu'il se consacre pleinement à sa passion. Nul n'avait envisagé qu'elle puisse le retirer définitivement de nos affaires. Nous devrons désormais poursuivre sans lui et chaque acte accompli pour servir l'holmésologie et la SSHF conservera vivante sa mémoire. Nous allons achever ton encyclopédie, cher Stephen. Nous ne voulons pas savoir que c’est impossible, alors nous le ferons.
Thierry Saint-Joanis, président de la SSHF
Almaseanu, vainqueur pour l'éternité !
L'érudition de Stephen Almaseanu lui permettait de briller lors de tous les tests de connaissance holmésienne et la victoire était toujours pour lui. Pour lui rendre hommage, désormais, cette première place lui sera réservée à chaque test et les participants se battront pour la deuxième place, car, s'il avait pu jouer il aurait gagné, c'est élémentaire.
Stephen Almaseanu était substitut général au Parquet général de la Cour d’appel de Paris et professeur de Droit à Ipesup depuis plus de trente ans.
Lire l'article publié par l'Ipesup ici.
Lire un autre article évoquant sa carrière de magistrat ici.
Quelle tristesse… Je garderai de Stephen le souvenir de sa gentillesse, de son humour, de son érudition holmésienne et de sa passion pour le droit et la justice.